CHAPITRE VINGT-TROIS

Un peu moins de vingt-cinq jours T après avoir quitté Fuseau, le vaisseau amiral de Michelle Henke traversa le mur alpha pour pénétrer dans le système stellaire de Monica. Michelle, assise dans son fauteuil de commandement sur le pont d’état-major de l’Artémis, observait ses écrans et se demandait quel accueil ses vaisseaux allaient recevoir.

Le messager portant les instructions d’O’Malley avait rallié tout droit Monica depuis le terminus de Lynx, sans passer par Fuseau. Cela lui avait fait gagner presque onze jours de transit. Le vaisseau qui apportait copie de ces instructions en Fuseau y était, lui, arrivé trois jours avant le départ de Michelle. Si elle comptait bien, la force d’intervention d’O’Malley avait donc reçu son ordre de marche un peu moins de deux semaines T plus tôt. En supposant les réparations de l’Hexapuma et du Sorcier achevées dans les temps, les deux vaisseaux avaient dû partir pour Manticore encore un peu plus tôt, libérant O’Malley de toute inquiétude pour leur sécurité et le laissant libre de s’en aller dès réception de ses ordres. En admettant que tout se fût passé comme prévu, il n’y aurait donc aucun vaisseau de guerre manticorien en Monica pour accueillir Michelle Henke.

Et, je ne sais pas pourquoi, je ne crois pas que le président Tyler soit très content de me voir arriver, même si nous avons désormais signé un traité, songea-t-elle, sardonique. Il serait donc sans doute bon d’explorer un peu la région avant de plonger au sein du système.

La planète Monica elle-même se trouvait à un peu plus de onze minutes-lumière au sein de l’hyperlimite de 20,6 minutes-lumière de la primaire G3, et la vitesse d’approche de la division du capitaine Conner n’était que d’à peine deux mille kilomètres par seconde. À la puissance militaire maximum, avec une marge de sécurité nulle sur ses compensateurs d’inertie, l’accélération de l’Artémis pouvait atteindre 6,5 km/s2, soit un tiers de plus que ce qu’aurait fourni tout vaisseau d’avant-guerre du même tonnage. Même à quatre-vingts pour cent de cette puissance, le plus fort taux normalement autorisé par la FRM, il pouvait donc accélérer à 5,3 km/s2 – encore presque un demi-kilomètre/s2 de plus que ce qu’auraient donné les anciens compensateurs à plein régime. Au vu de la situation actuelle… délicate avec la Ligue solarienne, l’Amirauté avait décidé qu’il serait plus sage de ne pas exhiber toutes les capacités de la Flotte là où des vaisseaux de guerre solariens pourraient les observer. Selon les estimations de la DGSN, les Solariens ignoraient beaucoup de ces capacités. Certaines personnes – dont Michelle – ne prenaient pas cette supposition pour argent comptant, bien qu’elle ne fût pas aussi saugrenue que s’il avait été question d’une autre flotte.

Quiconque ayant jamais eu des contacts avec la Flotte de la Ligue savait qu’elle souffrait d’une myopie professionnelle extrêmement grave. Elle était divisée en deux composantes : la Flotte de guerre et la Flotte des frontières. Des deux, la Flotte de guerre était la plus nombreuse et la plus prestigieuse, mais c’était en fait la Flotte des frontières qui accomplissait l’essentiel du véritable travail. Compte tenu de la taille, de la population et de la puissance industrielle monumentales de la Ligue, il n’était guère surprenant que la FLS soit de très loin la flotte plus colossale de l’histoire de l’humanité. Malheureusement pour elle, elle se savait la flotte la plus colossale, la plus puissante et la plus avancée de l’histoire de l’humanité… et au moins un – peut-être deux – de ces acquis bien connus n’étaient plus vrais.

L’intense sentiment de supériorité de la Ligue face à toute nation stellaire « néobarbare », quoique n’étant pas l’une de ses qualités les plus louables, ne menaçait normalement pas sa sécurité. Quand sa spatiale partageait le même sentiment (et l’entretenait avec l’arrogance d’un service existant depuis des siècles et n’ayant jamais connu la défaite), ce n’était plus tout à fait le cas. Quoique plusieurs systèmes membres de la Ligue aient envoyé en Manticore et en Havre des observateurs appartenant à leurs forces de défense locales, la FLS proprement dite, à la connaissance de Michelle, ne l’avait jamais fait. Elle n’avait après tout nulle raison de s’inquiéter de ce que pouvaient préparer une ou deux petites entités politiques néobarbares ayant poussé sur le postérieur de nulle part. Même en supposant que Manticore et Havre n’aient pas été trop occupées à s’entretuer (sans aucun doute avec l’équivalent de gourdins et de haches de pierre), les deux réunies ne pouvaient en aucun cas avoir construit une flotte assez importante pour menacer la Ligue, et l’idée que deux soi-disant nations stellaires aussi insignifiantes aient pu dépasser de manière appréciable le niveau technologique de l’incomparable Flotte de la Ligue solarienne était ridicule.

Nul, à la DGSN, ne doutait que les observateurs des forces de défense locales des systèmes membres (FDL) aient communiqué leurs rapports à la FLS. L’opinion majoritaire était toutefois que cette dernière avait de telles œillères institutionnelles que ces documents avaient été classés et ignorés… en admettant qu’on ne les ait pas tout bonnement jetés. Les FDL n’étaient après tout que des milices de deuxième classe, comparées à la première équipe si professionnelle. Elles adoptaient fatalement un point de vue plus populaire et, n’ayant ni le solide entraînement ni la vaste expérience de la FLS, elles avaient aussi tendance à se montrer inutilement alarmistes. Sans parler du fait que, dépourvus du solide noyau de compétence de la Flotte, leurs « observateurs » avaient de bonnes chances de comprendre de travers ce que les néobarbares voulaient bien leur montrer – voire d’être délibérément désinformés. Même si les renseignements spatiaux les avaient crédités d’une parfaite sincérité, les méthodes analytiques en place, fondées sur des techniques ayant amplement fait leurs preuves, étaient forcément plus fiables que les rapports de réservistes n’ayant sans doute vu que ce que les indigènes voulaient leur faire voir.

C’était du moins ainsi que la DGSN interprétait l’attitude et les décisions actuelles de la FLS. Que les Solariens n’aient pas déployé la moindre amélioration significative de leur matériel militaire semblait certes valider cette interprétation, mais Michelle, pour sa part, préférait ne pas investir trop de confiance dans cette hypothèse. Qu’aucun nouveau matériel ne fût mis en service ne signifiait pas forcément qu’il n’était pas développé et, malgré son arrogance et sa condescendance, la Ligue possédait le plus grand vivier de talent et de richesse de toutes les entités politiques de l’histoire. Si la FLS réussissait un jour à se sortir la tête du cul, collectivement parlant, ce talent et cette richesse la rendraient presque à coup sûr aussi redoutable qu’elle estimait déjà l’être.

Qu’il y eût ou non davantage de R&D en cours que quiconque ne le pensait, les sources de la DGSN au sein de la flotte solarienne convenaient plus ou moins que la grande majorité des officiers accordait fort peu de crédit aux rumeurs à l’évidence très exagérées concernant la technologie militaire manticorienne et havrienne. D’après les indices récoltés durant la bataille de Monica, les Solariens (ou, du moins, un de leurs principaux fournisseurs d’armement) commençaient à expérimenter des capsules lance-missiles d’une nouvelle génération, ce qu’ils avaient jusqu’à présent dédaigné, et la propulsion de leurs missiles s’était révélée d’une puissance étonnante, d’une endurance bien supérieure à ce qu’on attendait. Parmi les missiles tirés – ou plutôt fournis à Monica –, il n’y avait toutefois pas eu de MPM, les capsules n’avaient pas été dotées des propulseurs gravitiques de dernière génération inhérents aux conceptions manticoriennes, et aucun rapport n’avait mentionné d’augmentation des taux d’accélération des vaisseaux de guerre solariens, extrêmement faibles et inefficaces, comparés à ceux de Manticore ou même de Havre. Après avoir réuni toutes ces informations et les avoir étudiées avec soin, la Direction générale de la surveillance navale avait conclu qu’on pouvait attendre quelques améliorations côté FLS, sans doute grâce aux recherches financées par des sociétés privées telles que Technodyne, mais que des améliorations significatives étaient peu probables à court terme.

Sachant cela, l’Amirauté avait ordonné à ses commandants de ne pas dépasser soixante-dix pour cent de la puissance militaire maximale en présence de vaisseaux de guerre solariens. L’usage des Cavaliers fantômes et des coms supraluminiques devait aussi être restreint. Et aucun exercice de tir de MPM ne devait être conduit en espace solarien.

L’Artémis n’avait donc qu’un taux d’accélération maximum autorisé de 4,7 km/s2, et il lui faudrait presque trois heures et demie pour atteindre une orbite de garage autour de Monica. Voilà qui lui laissait tout le temps de déployer des drones de reconnaissance qui observaient de plus près l’immobilier local et feraient leur rapport par des liens de communications sub-luminiques.

« Très bien, Dominica, dit Michelle en adressant un coup d’œil au capitaine Adenauer. Confirmez que les coms à impulsions gravitiques sont désactivées puis procédez au lancement.

— À vos ordres, madame, répondit l’officier opérationnel, avant d’étudier ses visuels et de taper la commande. Drones lancés, madame.

— Parfait. »

Michelle bascula en arrière son fauteuil de commandement et, patiente, attendit que Artémis et les autres vaisseaux de sa première division accélèrent régulièrement – quoique lentement – vers Monica.

 

« Eh bien, c’est un sacré panier de crabes », murmura-t-elle une heure plus tard en observant les signaux du répétiteur principal.

Le centre d’opérations de combat avait analysé les transmissions sub-luminiques qui arrivaient (lentement) des sondes de reconnaissance. À l’évidence, quelques changements s’étaient produits depuis que le vice-amiral Khumalo avait reçu le dernier rapport du vice-amiral O’Malley. L’absence de toute unité manticorienne n’était pas surprenante mais, bien qu’on ne pût précisément qualifier de surprise l’arrivée d’une escadre de croiseurs de combat de la Flotte des frontières, le nombre de vaisseaux présents était sans conteste une nouvelle déplaisante.

« Le CO estime que ces huit-là appartiennent à leur nouvelle classe Nevada, madame, précisa Dominica Adenauer en mettant en relief les icônes dont elle parlait. Les neuf autres croiseurs de combat sont des Infatigables. L’identification des contre-torpilleurs est moins précise. Le CO pense que ce sont tous des classe Rempart mais ne peut pas le garantir. » Elle fit la grimace. « La Flotte des frontières a modifié et reconfiguré tellement des Remparts qu’il n’y en a pas deux pour produire la même signature.

— Les boîtes de conserve ne sont pas si importantes que ça », répondit Michelle, contemplant toujours les icônes. Elle se tourna vers Edwards. « Toujours pas d’appel de leur part, Bill ?

— Non, madame. » Le ton d’Edwards, quoique tout à fait respectueux, était indéniablement… patient, et un sourire affleura les lèvres de l’amiral Henke.

Je dois être un peu plus nerveuse que je n’essaie d’en avoir l’air. Si quelqu’un avait voulu nous parler, Bill me l’aurait dit. Si je veux paraître imperturbable en période de stress, il faut que j’apprenne à poser moins de questions clairement destinées à tuer le temps.

Michelle estimait toutefois pouvoir se pardonner une légère tension, compte tenu des circonstances. Quatorze croiseurs de combat en orbite autour de la planète Monica constituaient une escalade assez nette du niveau de menace potentiel. Quelles que fussent leurs intentions, elle avait le désagréable soupçon que, s’ils se trouvaient là, c’était que la Ligue solarienne n’avait pas l’intention de rentrer les griffes, finalement.

Ne te fais pas d’idées, se reprocha-t-elle. Peut-être ne s’agit-il que d’un simple geste rassurant envers un « allié » de longue date comme le président Tyler. La Sécurité aux frontières ne veut pas avoir l’air prête à laisser tomber ses ouailles en un clin d’œil pour se couvrir, après tout. Ils sont peut-être aussi là pour agiter le drapeau et reconstituer le prestige de la Ligue dans la région après la volée reçue par Monica.

Le problème de ces théories réconfortantes étant qu’il n’y avait pas besoin de deux escadres de croiseurs de combat pour ces tâches-là. En outre, que nul n’eût réagi à l’arrivée de ses quatre vaisseaux l’inquiétait : soit on ne l’avait pas remarquée, ce qui paraissait… improbable, soit on l’ignorait délibérément, comme si elle ne valait pas qu’on s’intéressât à elle. Beaucoup d’officiers manticoriens avaient d’ailleurs subi par le passé un tel mépris des Solariens.

S’ils ont bien envoyé ces gens-là pour prouver quelque chose, et si l’officier qui les commande est un connard pompeux et arrogant typique, il pourrait y avoir du vilain, songea-t-elle, sombre.

« Voulez-vous entamer le dialogue avec eux, madame ? demanda Cynthia Lecter.

— Il faudra bien qu’un de nous deux finisse par adresser la parole à l’autre, répondit Michelle, ironique. Je n’ai pas envie d’attaquer un concours de bites pour savoir qui va baisser les yeux le premier mais on ne va pas jouer non plus le petit garçon nerveux et pleurnichard qui implore la grosse brute de faire attention à lui. »

Comme son interlocutrice hochait la tête, elle crut déceler au moins une vague inquiétude dans ses yeux. Auquel cas, elle n’en était pas surprise : l’une des tâches d’un chef d’état-major était de s’inquiéter des erreurs de son patron, non de jouer les béni-oui-oui.

« Nous sommes encore à deux heures et demie de l’orbite de Monica, observa-t-elle, alors qu’eux s’y trouvent déjà. Par ailleurs, nos transpondeurs sont branchés et, techniquement, cet espace est toujours monicain. »

Lecter acquiesça à nouveau. L’usage interstellaire voulait que la flotte en possession d’un système stellaire ou d’une planète contactât tout nouveau venu. Si aucun message n’était envoyé, aucune exigence formulée, cela signifiait qu’elle n’avait pas l’intention de tirer sur quiconque approcherait. En outre, comme Michelle venait de le signaler, l’Union de Monica n’était pas membre de la Ligue solarienne, ce qui faisait de tout vaisseau solarien en espace monicain un visiteur, au même titre qu’une unité manticorienne. Tout le monde savait pertinemment que la souveraineté monicaine – ce qui en restait – n’existait désormais que par protection, bien sûr, mais il fallait sauvegarder certaines apparences. Donc, à moins qu’ils n’occupent bel et bien le système stellaire, tout contact – ou exigence – devait venir du poste de contrôle monicain, pas des Solariens.

Ni, d’ailleurs, des Manticoriens.

« Je ne sais pas pourquoi, madame, j’ai l’impression que cette escale va être intéressante, dit doucement Lecter.

— Oh, je crois que vous pouvez sans trop de danger parier mille dollars là-dessus, Cindy. »

 

« Les Monicains nous hèlent, madame, dit le commandant Armstrong sur l’écran de com de Michelle. Enfin. »

Sa voix était d’une sécheresse absolue, et l’amiral gloussa en entendant le dernier mot de son capitaine de pavillon.

« Et ils disent ?

— Que nous sommes les bienvenus en Monica, madame. Je pense que c’est un mensonge diplomatique, compte tenu de ce qui s’est produit la dernière fois que des vaisseaux de la Reine sont arrivés ici, mais, au moins, ils sont polis.

— Est-ce qu’ils ont mentionné leurs visiteurs solariens ?

— Pas directement. Ils nous ont donné l’instruction de prendre une orbite de garage à au moins huit mille kilomètres du solarien le plus proche, cela dit.

— Ce qui n’est sans doute pas une mauvaise idée, même sans suggestion officielle. Très bien, Vicki. Allez-y : garez-nous.

— Bien, madame. Terminé. »

Armstrong eut un signe de tête respectueux puis s’effaça de l’écran. Michelle se retourna vers Lecter, Edwards et Adenauer qui formaient un demi-cercle approximatif autour de son fauteuil de commandement.

« Pour l’instant, ça va, dit-elle. Et Dieu sait que je n’ai pas envie de caresser les Solariens à rebrousse-poil davantage que nous n’y serons obligés. Néanmoins, Dominica, il serait bon de les tenir à l’œil de très près. N’utilisons que les capteurs passifs, mais si un moustique pète à bord d’un de leurs vaisseaux, je veux être mise au courant. Et informez toutes les unités que nous maintiendrons notre propre statut à Attente Deux jusqu’à nouvel ordre.

— Bien, madame. »

L’expression d’Adenauer était soucieuse et Michelle ne lui en voulait pas. Attente Deux était aussi connu sous le nom de « branle-bas de combat ». Cela signifiait que tous les systèmes de machines et de régulation vitale étaient servis par des équipes complètes, bien sûr, mais aussi que son centre d’opérations de combat et son département tactique l’étaient également, de même que ses capteurs passifs ; que ses capteurs actifs étaient prêts à entrer en action ; que ses grappes laser de défense active étaient activées sous contrôle de l’ordinateur ; que ses tubes antimissile étaient chargés et que des réserves attendaient sur les bras de chargement ; que ses systèmes de défense passive et sa GE étaient branchés, prêts à être mis en œuvre ; que ses lance-missiles offensifs étaient prêts et chargés ; que les équipes de secours de la moitié des armes à énergie étaient enfermées dans leurs capsules blindées, et l’atmosphère les entourant évacuée afin de les protéger contre l’effet d’une éventuelle explosion. L’autre moitié des armes à énergie serait préparée et gérée par rotation, afin de permettre aux équipes de se reposer, tandis que vingt-cinq pour cent du personnel de quart des autres départements seraient autorisés à prendre du repos tour à tour, afin que l’on pût rester en Attente Deux durant une longue période.

En clair, en dehors du fait qu’ils n’avaient pas dressé leurs bandes gravitiques et leurs barrières latérales, ni sorti leurs armes à énergie, Artémis et les autres croiseurs de combat manticoriens seraient prêts à répondre quasi instantanément à toute agression solarienne.

Bien sûr, c’est ce » quasi instantanément » qui tue, se dit Michelle. Surtout à une distance aussi faible. Ils pourraient nous atteindre avec leurs satanées grappes laser, sans parler de leurs affûts de flanc. Garder nos bandes gravitiques et nos barrières latérales levées sur une orbite de garage serait considéré comme hostile par les Solariens et les Monicains, et à juste titre. Mais ça veut dire que, s’ils décident d’appuyer sur la détente, ils ont de bonnes chances de nous écraser comme des merdes avant qu’on puisse seulement répliquer. Cela dit, c’est l’intention qui compte.

« Je ne veux rien faire qui puisse être considéré comme une provocation, Cindy », continua-t-elle à l’adresse de son chef d’état-major.

Lecter le savait sans doute déjà pertinemment, mais Michelle avait appris très tôt qu’il valait mieux s’assurer sans équivoque de ces choses-là plutôt que de découvrir à la dure que quelqu’un, en fait, ne les avait pas sues « pertinemment »… ou tout court, d’ailleurs.

« En même temps, continua-t-elle quand sa subordonnée eut hoché la tête, je n’ai pas l’intention de les laisser nous la jouer « Coup de tonnerre », pendant qu’on reste assis sur notre cul comme des niaiseux. Je veux donc que vous aidiez Dominica à gérer le CO. Si on perçoit le moindre changement de statut à bord de n’importe lequel de ces vaisseaux solariens, je veux être au courant même avant eux.

— Bien, madame.

— Parfait. Et maintenant… (elle prit une longue inspiration et se tourna vers Edwards) il est temps que je fasse mon devoir et que je contacte personnellement nos hôtes. » Elle eut un sourire dépourvu d’humour. « Ainsi, bien sûr, que nos collègues visiteurs en ce charmant petit coin de l’univers. Appelez l’amiral du poste monicain pour moi, je vous prie, Bill.

— À vos ordres, madame. »

 

La discussion avec le contre-amiral Jane Garcia, qui commandait le poste de contrôle monicain, se déroula plutôt mieux que prévu.

Garcia ne feignit pas d’être heureuse de voir les croiseurs de combat manticoriens, ce dont on ne pouvait lui tenir rigueur. Ayant été elle-même prisonnière de guerre, Michelle comprenait mieux que ne l’auraient pu beaucoup d’officiers combien la destruction de presque toute la flotte monicaine avait dû être difficile à avaler. Sans aucun doute, beaucoup d’amis personnels de Garcia – très probablement aussi des parents, étant donné que le service militaire était une affaire de famille dans la plupart des nations stellaires – avaient-ils été tués dans la manœuvre. Et autant que Manticore pût la considérer comme l’outil vénal et corrompu de la Sécurité aux frontières, l’Union était la nation stellaire de cet amiral. La reddition ignominieuse et la manière dont Manticore avait ensuite dicté les termes de la paix n’avaient pu qu’aggraver sa colère.

Malgré cela, elle garda une attitude froide et professionnelle, s’abstint de souhaiter la bienvenue à son interlocutrice mais se montra par ailleurs étonnamment courtoise. Peut-être ses lèvres se crispèrent-elles légèrement quand Michelle lui demanda de transmettre ses compliments au président Tyler, mais elle hocha la tête presque naturellement avant de demander si les vaisseaux manticoriens avaient des requêtes de services urgentes.

Une fois cette formalité réglée, Michelle n’eut plus d’excuse pour ne pas contacter le commandant solarien, dont, par bonheur, Garcia lui avait spontanément fourni le nom.

« Très bien, Bill, soupira-t-elle. Vous pouvez à présent héler le vaisseau de l’amiral Byng.

— Juste une minute, madame », s’immisça Lecter sur un ton respectueux. Comme sa supérieure l’interrogeait du regard, elle désigna d’un signe de tête le visuel de son poste de commande.

« Je viens de consulter les archives de la DGSN, madame, reprit-elle. J’ai tapé le nom de l’amiral Byng et on dirait que j’ai une référence directe.

— Vraiment ? »

Michelle écarquilla les yeux. La Direction générale de la surveillance navale faisait de son mieux pour se tenir au fait du personnel de haut rang des autres flottes mais ses archives sur la FLS étaient plus minces que celles qui concernaient, mettons, la République de Havre ou l’Empire andermien. Malgré la profonde implication de la spatiale marchande manticorienne dans le commerce de la Ligue, la Flotte solarienne s’était vu assigner une priorité bien plus basse que la plupart des menaces locales – et pressantes – lors du dernier demi-siècle. Et le fait qu’elle fût si étendue n’aidait en rien : le même nombre absolu d’individus représentait un pourcentage bien plus faible du corps des officiers. Tout cela expliquait pourquoi il était inhabituel de trouver un militaire solarien particulier dans la base de données.

« Du moins je crois, répondit Lecter. Il est possible qu’ils aient plusieurs amiraux appelés Josef Byng, bien sûr.

— Compte tenu de la taille de leur satanée spatiale, je dirais même que c’est probable, grogna l’amiral en haussant les épaules. Bon, allez-y, envoyez-moi ce que vous avez trouvé.

— Bien, madame. »

L’article qui apparut sur l’écran de Michelle était d’une longueur étonnante. Pour des raisons qui devinrent désagréablement claires dès qu’elle le parcourut.

L’iconographie montrait un homme de haute taille, au port noble, aux cheveux châtains – commençant tout juste à grisonner sur les tempes – et aux yeux bleus très vifs. Doté d’un menton fort, il portait une moustache luxuriante et un bouc bien taillé. Bref, dans son bel uniforme blanc à la coupe parfaite, il avait tout à fait l’air d’un officier spatial typique.

La biographie qui accompagnait cette image bien nette était toutefois moins… esthétique.

« C’est un officier de la Flotte de guerre, s’exclama Michelle – et, même à ses propres oreilles, sa voix parut plaintive, comme si elle avait voulu croire qu’il s’agissait d’une erreur.

— Je sais, madame, dit Lecter, qui paraissait profondément déprimée.

— J’espère de tout mon cœur que vous avez effectivement le mauvais bonhomme ou bien que tout cela n’est qu’une très regrettable coïncidence. »

D’après le dossier de la DGSN, Josef Byng était en grande partie un produit typique de la FLS. Il appartenait à une famille qui fournissait des officiers supérieurs à la Ligue depuis près de sept cents ans T ; il avait fait l’école spatiale de la Vieille Terre et s’était directement intégré à la Flotte de guerre, bien plus prestigieuse que celle des frontières. Ayant bénéficié du prolong de deuxième génération, il avait tout juste un peu plus d’un siècle et était amiral depuis trente-deux ans. Contrairement à la Flotte royale manticorienne, la FLS n’avait pas pour habitude de faire régulièrement passer ses officiers généraux d’un poste de commandement à un poste administratif, et vice versa, afin de les maintenir à jour dans les deux domaines, et il semblait que Byng (ou sa famille) eût détenu assez de pouvoir pour conserver ce qui était au moins en théorie des commandements spatiaux durant la totalité de sa carrière.

Cela n’était pas aussi significatif dans la Flotte de guerre solarienne que dans d’autres spatiales, compte tenu de l’énorme pourcentage de ses vaisseaux qui passaient tout leur temps dans ce qu’on appelait par euphémisme la « réserve ». Il était très possible à un amiral de rester plusieurs années T à la tête d’une escadre de supercuirassés, obtenant l’avancement – et touchant les émoluments – qui correspondait à ce poste, alors que les supercuirassés en question flottaient sur une orbite de garage, bourrés de naphtaline, sans personne à bord.

Ce qui intéressait bien plus Michelle pour l’heure, toutefois, était que, cinquante-neuf ans plus tôt, le jeune et dynamique capitaine de vaisseau Byng avait été officiellement réprimandé – et repoussé de deux cents rangs sur la liste des promotions – pour avoir harcelé les transporteurs de commerce manticoriens.

Ses yeux ralentirent leur course tandis qu’elle relisait ce paragraphe-là de l’article, et elle fit la grimace. Malgré le style sec et pédant de l’analyste de la DGSN, il était assez facile de lire entre les lignes. Byng était un de ces officiers solariens qui plaçaient les néobarbares – tels que les Manticoriens – deux ou trois degrés en dessous des chimpanzés sur l’échelle de l’évolution. Il semblait aussi que sa famille riche et aristocratique (même si, bien sûr, la Vieille Terre n’avait pas d’aristocratie officielle…) fût profondément impliquée dans le commerce interstellaire.

Il était assez fréquent en Manticore que des familles faisant partie de la foisonnante industrie des transports du Royaume stellaire fournissent des officiers à la Spatiale, et Michelle n’ignorait pas que plus d’un de ces officiers avait usé et abusé de son autorité dans l’intérêt des siens. Quand la FRM s’avisait de ces abus, toutefois, elle prenait des mesures. Dans les rares occasions – ce qui ne se produisait plus aussi souvent qu’à une époque, et de loin – où l’officier mis en cause avait des relations trop puissantes pour que le JAG règle le problème, il se voyait refuser tout commandement qui lui donnerait l’occasion de recommencer.

Cela n’avait hélas ! pas cours dans la Ligue solarienne, où copinage et abus de pouvoir étaient aussi courants qu’acceptés. En particulier dans la grande couronne et dans les Marges, des officiers entretenant des relations « confortables » avec la DSF locale utilisaient de manière routinière leur position pour faire leur nid ou favoriser leurs intérêts. Le capitaine Byng n’avait manifestement pas vu la raison de s’en priver mais ses exactions s’étaient avérées plus flagrantes que la plupart des autres. Il était allé jusqu’à confisquer, sur de fausses accusations de contrebande, trois cargos manticoriens, dont un des équipages avait passé deux ans T en prison sans avoir seulement été jugé.

Le Royaume stellaire avait voulu régler la question au niveau local, sans en faire un incident diplomatique majeur, mais Byng avait platement refusé d’en discuter avec les attachés commerciaux et judiciaires manticoriens des environs. Son refus s’était exprimé en termes peu diplomatiques et, la seconde fois, à son insu, l’attaché judiciaire concerné avait enregistré toute leur conversation. Laquelle avait alors été officiellement remise au ministre des Affaires étrangères solarien, par l’ambassadeur de Manticore auprès de la Ligue – lui-même amiral –, avec une requête polie mais pressante : s’occuper du problème. Vite.

Par malheur pour le capitaine Byng, le Royaume stellaire de Manticore avait bien plus de poids que les « néobarbares » qu’il avait l’habitude de rudoyer. Devant la suggestion poliment voilée que, sauf restitution des vaisseaux et libération des équipages, avec excuses et versement de dommages et intérêts, tous les transports marchands solariens pourraient subir une augmentation des tarifs de transit par le nœud, la bureaucratie de la Ligue s’était lourdement mise en branle. Six mois T de plus avaient été nécessaires, mais vaisseaux et équipages avaient été restitués, la Ligue avait versé des sommes conséquentes à titre de réparation, et le capitaine Byng s’était vu intimer l’ordre de présenter des excuses officielles pour son « abus d’autorité ». En dépit de cela, il s’en était remarquablement bien tiré pour un type dont les actes – et la bêtise – avaient plongé toute une nation stellaire dans l’embarras, songea Michelle. On l’avait autorisé à présenter ses excuses par écrit plutôt qu’en personne, et tout officier manticorien ayant commis les mêmes indélicatesses eût sans aucun doute été chassé du service de la Reine. Dans son cas, cette hypothèse n’avait même jamais été envisagée. En fait, il était surprenant qu’il fût seulement descendu dans la liste des promotions.

Compte tenu de la suite de sa carrière, il semblait toutefois qu’il eût considéré comme responsable de ses malheurs tout le monde hormis lui-même. L’incident avait sans nul doute retardé de plusieurs années T son accession au rang d’officier général, et il en voulait manifestement à Manticore de cette infortune.

Michelle aurait jugé cela assez décourageant dans n’importe quelles circonstances, mais que Byng fût ici, aux commandes d’une force d’intervention de la Flotte des frontières – plus importante que celles qu’on voyait en général dans les Marges mais néanmoins assez réduite pour un officier de son grade – la déprimait plus encore.

La Flotte de guerre et la Flotte des frontières ne s’aimaient guère. La première, bien qu’aucun de ses vaisseaux de ligne n’eût tiré le moindre missile sur une cible depuis plus de deux siècles T, recevait la part du lion du budget de la FLS et était, de très loin, la plus prestigieuse des deux. Son corps d’officiers accueillait presque exclusivement des individus aux antécédents familiaux équivalents à ceux de Byng, ce qui en faisait pratiquement une caste fermée. Alors que la FRM comprenait un pourcentage étonnant de « mustangs » – des officiers sortis du rang –, il n’y en avait pas un seul au sein de la Flotte de guerre. Voilà qui contribuait à une étroitesse d’esprit extrême (selon les critères manticoriens) de la grande majorité de ses officiers. Lesquels avaient non seulement tendance à toiser avec un snobisme très prononcé toutes les spatiales non solariennes – voire les forces de défense locales d’importantes planètes solariennes – mais considéraient aussi leurs collègues de la Flotte des frontières comme à peine plus que des policiers, des douaniers et des casseurs de néobarbares montés en grade, n’ayant à l’évidence pas les compétences pour servir dans une vraie spatiale.

Les officiers de la Flotte des frontières, pour leur part, tenaient ceux de la Flotte de guerre pour des zombies trop bien élevés et sous-intelligents, dont les vaisseaux de ligne obsolètes, aussi démodés et inutiles qu’eux-mêmes, absorbaient une énorme quantité du budget dont ils avaient désespérément besoin. Michelle, à leur place, aurait été encore plus furieuse du fait qu’une grande partie des fonds officiellement dépensés pour ces vaisseaux disparaissait en réalité dans les poches de divers officiers de la Hotte de guerre, ainsi que de leurs familles et amis, mais il aurait sans doute été déraisonnable de s’attendre à ce qu’on ressentît cela au sein de la Hotte des frontières. Après tout, les malversations et l’« intérêt familial » étaient aussi profondément ancrés dans sa culture institutionnelle que dans celle de la Hotte de guerre. Et, pour être honnête, elle était elle aussi dominée par une caste héréditaire, laquelle n’appréciait pas du tout les occasions d’enrichissement bien plus juteuses offertes à leurs homologues. Toutefois, on trouvait parmi ses commandants un nombre non négligeable de membres d’autres familles et même une petite poignée de mustangs.

Sachant tout cela, aucun amiral de la Flotte de guerre n’aurait dû être enchanté de commander une simple force d’intervention de la Flotte des frontières. Et aucune force d’intervention de la Flotte des frontières n’aurait dû être ravie non plus de se le voir assigner comme commandant. En toutes circonstances, selon Michelle, un officier de l’ancienneté de Byng devait considérer un commandement pareil comme une régression, voire une insulte professionnelle, et ses relations familiales auraient amplement dû pouvoir le lui éviter.

À condition, bien sûr, qu’il l’eût voulu.

Oh, je n’aime pas ça du tout, songea-t-elle. Ce salopard doit avoir « Je hais Manticore » brodé sur son caleçon. La situation, ici, vient donc de devenir sacrément plus… délicate. Je me demande si c’était son idée. En fait, je l’espère. Parce que sinon, si quelqu’un a tiré des ficelles pour lui faire attribuer cette force d’intervention-là et s’il l’a accepté volontairement, on peut être sûr que ce n’est pas pour une raison que je vais apprécier. D’un autre côté, je doute de pouvoir lui dire quoi que ce soit qui le conduira à nous apprécier davantage, donc je n’ai sans doute qu’à me lancer avec mon tact infini habituel.

« Bien, dit-elle enfin. Je ferais mieux de lui parler. Donnez-moi une minute pour me refaire une expression joviale, Bill, et puis hélez-le. »

L'ennemi dans l'ombre 1
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